L'urgence éducative
Enseigner en REP et REP+ un rôle clé en éducation prioritaire
Le système éducatif français en bref
À la rentrée 2024, l’éducation prioritaire concerne un écolier et un collégien sur cinq : depuis 2015, on parle de REP (réseaux d’éducation prioritaire) et de REP+ (réseaux d’éducation prioritaire renforcés). Dans ces réseaux, le contexte économique, social et culturel est plus difficile, les moyens sont donc adaptés dans le but de “donner plus à ceux qui ont moins” et de favoriser l’égalité des chances.
Chiffres du Repères et références statistiques 2025 du ministère de l’Education nationale (DEPP)
Un niveau scolaire en baisse
- Selon le classement TIMSS 2019, les élèves de quatrième en mathématiques ont le niveau des élèves de cinquième il y a 25 ans3 ;
- Selon le classement TIMSS 2023, les écarts s’accroissent entre les élèves les moins performants et les élèves les plus performants (+34 points en 4 ans)4.
- Toujours selon le classement TIMSS 2023, les élèves français de 4ème en mathématiques obtiennent le 3ème plus mauvais score des pays de l’OCDE4;
- Les évaluations PIRLS sur la lecture montrent une baisse quasiment continue du niveau des élèves de CM1 depuis 2001, avec un léger rebond en 2021.
- Alors que les résultats étaient stables entre 2008 et 2014, les enquêtes CEDRE sur le niveau des élèves en mathématiques en fin de CM2 montrent une baisse des résultats entre 2014 et 20195. Au collège, en fin de troisième, les résultats ne font que baisser entre 2008 et 2019 : près d’un élève sur quatre est en difficulté6.
Bien que la baisse du niveau scolaire semble toucher l’ensemble des élèves, elle ne les affecte pas de manière uniforme. De fortes disparités apparaissent selon la voie choisie — générale ou professionnelle — ainsi qu’en fonction du type d’établissement : privé, public hors éducation prioritaire, en éducation prioritaire ou en éducation prioritaire renforcée. Ces écarts recoupent largement les inégalités sociales : les élèves issus des milieux les plus défavorisés sont surreprésentés dans la voie professionnelle et l’éducation prioritaire.
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1 PISA 2022
2 Centre d’observation de la société selon les données du ministère de l’éducation nationale 2023-2024
3 DEPP, note d’information n°20-47
4 DEPP, note d’information n°24-48
5 DEPP, note d’information n°20-33
6 DEPP, note d’information n°20-34


Des inégalités sociales et scolaires accrues
Le rapport PISA 2022 note que la France fait partie des pays de l’OCDE où la dépendance de la réussite scolaire à l’origine sociale est la plus importante : le système scolaire français perpétue les inégalités.
Ces inégalités, on les retrouve dès l’entrée en CP : en REP+, plus de la moitié des élèves arrivent en CP avec des difficultés, particulièrement en résolution de problèmes mathématiques et en compréhension des mots à l’oral.
Or à ces inégalités issues du milieu social viennent s’ajouter des inégalités de traitement : alors que le classement REP devrait permettre une meilleure qualité de l’enseignement grâce à des aménagements et plus de moyens, c’est l’inverse qui se produit : temps d’apprentissage raccourci (problèmes de discipline, exclusions et absentéisme), pratiques pédagogiques moins porteuses et surreprésentation des enseignants non-titulaires et peu expérimentés. Le rapport du CNESCO sur les inégalités de 2016 met en avant “des contextes d’apprentissages particulièrement peu favorables pour les élèves socialement défavorisés” et note que ces élèves “sont confrontés à un climat scolaire qui se dégrade plus rapidement que celui dans lequel vivent leurs pairs plus favorisés”. Les élèves de milieux socio-économiquement défavorisés peuvent aussi avoir des environnement de travail chez eux moins propice à la concentration, moins d’adultes référents pour leur donner un cadre, moins de possibilité de recourir à des aides extrascolaires…
Résultat : En REP+ en 2024, 52,9 % des élèves entrant en sixième figurent dans les groupes les moins performants en français et 60,3 % en mathématiques. Dans le secteur public hors éducation prioritaire, ces proportions sont nettement plus basses : 26 % en français et 31,1 % en mathématiques. Ces disparités de compétences scolaires se creusent ensuite tout au long du collège : l’école échoue à remplir son rôle.
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6 DEPP, Évaluations 2024, Repères CP, document de travail n°2024-E10
7 CNESCO 2016 « Inégalités sociales et migratoires, comment l’école amplifie-t-elle les inégalités ? »
8 DEPP, note d’information n°25-22
9 DEPP, note d’information n°24-21
Une orientation subie qui favorise le décrochage scolaire
À partir de l’entrée au lycée, les inégalités se traduisent d’une nouvelle façon : l’orientation. Le rapport “Inégalités sociales et migratoires” du CNESCO de 2016 relève qu’ « à notes égales au contrôle continu en français et en mathématiques, la probabilité d’accéder à une seconde générale ou technologique est deux fois plus élevée pour un élève issu de milieu favorisé que pour un élève issu de milieu défavorisé ». Or, un tiers des élèves entrant en lycée professionnel décrochent avant l’obtention d’un diplôme. De plus, alors que les diplômes des voies professionnelles devraient permettre une bonne insertion sur le marché du travail, la réalité est différente : deux ans après l’obtention de leur diplôme (et hors poursuite d’études), seuls 43% des détenteurs de CAP et 55% des détenteurs d’un bac pro ont un emploi. Alors que la voie professionnelle devrait permettre aux élèves avec un projet professionnel de réaliser leurs ambitions, de s’accomplir grâce à l’acquisition de compétences et connaissances moins académiques, de former aux nombreux et riches métiers plus manuels ou artisanaux, elle sert de voie de relégation à des élèves qui ont “raté” leur collège. Inscrits dans les filières qui les acceptent malgré leur faible dossier scolaire et dans lesquelles il reste des places, nombreux sont ceux qui perdent intérêt dans ces voies où ils ne se projettent pas et qui parfois n’ont même pas de réels débouchés.
L’orientation n’est évidente que pour peu d’élèves : la moitié des jeunes de 17-23 ans regrettent leur choix d’orientation après le bac. La réalité, c’est qu’ils ne connaissent pas – ou très peu – le monde du travail et les différentes voies qui y mènent. Ils sont familiers des métiers de leurs proches et de ceux qu’ils côtoient au quotidien, mais ils ignorent l’existence de centaines d’autres. Ils sont angoissés à l’idée de choisir leur futur métier, oubliant les nombreuses passerelles qu’ils rencontreront et les évolutions qui animent les carrières professionnelles : une personne change de métier entre 5 et 13 fois au cours de sa carrière.
Les lycéens issus de milieux défavorisés sont alors encore plus désavantagés : ils reçoivent moins de conseils personnalisés et d’informations, sont sensibilisés plus tard aux différentes possibilités (parfois seulement en janvier de l’année de terminale), ont moins d’opportunités de parler à des adultes ayant expérimenté des parcours variés.
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10 Enquête Génération 2020 du Cereq
11 DEPP, note d’information n°23-26
12 Sondage IFOP 2019 “Enquête auprès des jeunes de 17 à 23 ans sur leurs choix d’orientation et leur rapport à l’avenir”
13 Rapport d’information du Sénat fait au nom de la délégation aux entreprises relatif aux nouveaux modes de travail et de management, 2021

- À retenir
L’école, une promesse à reconstruire
Face à ce constat alarmant, l’urgence éducative ne peut plus être ignorée. L’école française, au lieu de corriger les inégalités, tend à les reproduire, voire à les aggraver. Le creusement des écarts de niveau, les différences de traitement, l’orientation subie, dessinent une école à deux vitesses.
Pourtant, il ne tient qu’à nous de transformer cette réalité. Investir massivement dans l’éducation, valoriser et mieux former les enseignants, garantir à chaque élève un environnement d’apprentissage stimulant et équitable, repenser l’orientation comme un accompagnement éclairé et progressif… Autant de leviers pour redonner à l’école sa mission première : permettre à chaque enfant, d’où qu’il vienne, de se construire, de penser librement, de rêver et d’agir sur le monde.
Parce que l’école peut être un formidable levier de justice sociale, et le pilier de l’avenir de la société. À condition de s’en donner les moyens.

Pénurie d’enseignants
55% des collèges et lycées à la rentrée 2025 manquaient d’au moins un enseignant
(enquête SNES-FSU)
Déterminisme social
2X plus de chances, à notes égales, pour un élève issu de milieu favorisé que pour un élève issu de milieu défavorisé d’accéder à une seconde générale ou technologique
(CNESCO 2016)
Décrochage scolaire
61% des sortants précoces du système scolaire étaient issus de la voie professionnelle en 2020
(Repères et références statistiques 2022 (Depp) – Éduscol – Note flash n° 18 du Sies, juin 2022, Systèmes d’information et d’études statistiques)
Manque de formation
76% des professeurs estiment effectuer des tâches pour lesquelles ils ont besoin de plus de formation
(Cour des comptes 2021)
Déterminisme social
113 points : c’est l’écart en culture mathématiques entre les élèves de statut social et culturel favorisé et ceux de statut défavorisé aux tests PISA. Cela fait de la France l’un des pays de l’OCDE où l’origine sociale a le plus d’influence sur les résultats scolaires.
(DEPP, L’état de l’école 2024)
Baisse du niveau
Chiffre du graphique : entre 2003 et 2022, la proportion d’élèves très performants en mathématiques est passée de 15% à 7%
(Bernigole V., Fernandez A., Loi M., Salles F., 2023, « PISA 2022 : la France ne fait pas exception à la baisse généralisée des performances en culture mathématique dans l’OCDE », Note d’Information n° 23.48, DEPP.)